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divers sujets : personnels, histoire, littérature

Montgisard (25 Nov 1177)

Cette bataille fut sans doute et de toutes les Croisades la plus grande victoire des Francs du Royaume latin de Jérusalem contre les Ayyoubides du sultan d'Egypte Salah ad Din, alias Saladin.

Bien réelle puisqu'elle le contraignit à rebrousser chemin vers l'Egypte d'où il était venu en force (via Gaza et Ashkelon) pour attaquer Jérusalem, elle demeure néanmoins dans l'Histoire quelque peu auréolée de légende.  

Mais voyons les faits.  

Nous sommes sous la deuxième Croisade.  Baudouin IV le lépreux (ou le mésel comme on disait à l'époque) est le septième roi de Jérusalem (sans compter Godefroy de Bouillon qui refusa ce titre pour celui de simple avoué du Saint Sépulcre) alors qu'il n'a que seize ans mais déjà en lutte contre sa terrible maladie.

Une grande partie de l'ost était allée ferrailler en Syrie du Nord de sorte que Jérusalem se trouvait assez dégarnie de troupe. 

Saladin dût l'apprendre par ses espions et voulut sans doute en profiter.  Il se mit en marche à la tête d'une armée de vingt cinq voire trente mille hommes (soldats et cavaliers) mais aux dires de commentateurs des plus sérieux ce chiffre donné par Guillaume de Tyr, historien poulain, dans son "histoire d'outre-mer", apparait très exagéré comme d'ailleurs il en fut d'une façon générale à l'époque s'agissant des effectifs.  

La place de Gaza était gardée par les Templiers, combattants d'élite.  Saladin l'évita prudemment pour se diriger sur la ville côtière d'Ashkelon faiblement défendue.  

Averti à temps de ce mouvement de Saladin, Baudouin rassembla en hâte une armée de soldats, Templiers et Hospitaliers pour se porter à marche forcée au secours de la ville et réussit à l'atteindre avant Saladin.  

Mais celui-ci y mit le siège.

Des sorties furent tentées, notamment celle de Renaud de Chatillon qui venait d'être libéré contre rançon après seize ans de captivité à Alep et ne rêvait que d'en découdre (on dit qu'il abattit à lui seul plus d'une centaine de Sarazins) toutes finalement repoussées.

Mais Saladin décida de lever le siège en pleine nuit pour poursuivre sa progression non point vers l'Est (Jérusalem) mais vers le Nord.  

A partir de là on doit s'interroger.

Quelle fut la réaction de Baudouin et de ses barons devant cet évènement inattendu ?

Il faut admettre que, dans les deux camps, on disposait d'espions car il est impossible d'expliquer les choses autrement.  

Saladin avait donc renoncé à se porter directement sur Jérusalem avec sur ses talons l'armée de Beaudouin.  Armée qu'il eut le tort de sous estimer car si elle était très inférieure en nombre à la sienne, elle était farouchement déterminée et poussée à l'héroïsme par cette grande croix d'or qui la précédait.

Jugeant Baudouin incapable de l'affronter, il fit cette diversion de se diriger vers le Nord et obliquer vers l'Est pour prendre Ramlah, ville de garnison importante qui fut capitale arabe et se trouvait sur la route de Jaffa à Jérusalem. En s'en emparant et en la brûlant il avait la route libre jusqu'à la Sainte.  

De son côté Baudouin dût deviner la manoeuvre et, contre toute attente de Saladin, allait décider de remonter lui aussi vers le Nord avec l'appui des templiers de Gaza. Plus rapide, il allait devancer Saladin sur la route de Jaffa à Jérusalem alors que celui-ci s'emparait de Ramlah, et s'embusquer au lieu dit Tell el Guezer (Montgisard pour les Francs) un peu au Sud de la ville.

Ainsi donc, dos à Jérusalem et face à l'ennemi quand celui-ci allait en toute confiance redescendre vers la Ville, l'effet de surprise allait être total et donner à Baudouin l'avantage.

Et Saladin dut rebrousser chemin jusqu'en Egypte harcelé par les Croisés.

Quelle débandade pour une armée aussi importante !!!

Et face à un ennemi très inférieur en nombre, les Francs estimés à environ cinq mille hommes (chevaliers, templiers et hospitaliers) 

A tel point qu'on se poserait des questions ...

Mais on verra ça plus loin.

Il faut se rappeler qu'un des buts de la Croisade était - en se rendant maître des ports de la Méditerranée orientale (tels qu'Alexandrette, Latakié, Tripoli, Beyrouth, Tyr, Haïfa, Jaffa) - de préserver la Chrétienté occidentale d'incursions musulmanes de ce côté. A  l'intérieur des terres toute une rangée de ces fameux châteaux francs devaient assurer la protection des quatre grandes baronnies : Antioche, Edesse, Tripoli et Jérusalem.  Les trois premières étaient en principe soumises à la quatrième, la seigneurerie de Jérusalem étant le domaine propre du roi lequel était avant tout chef d'armée.  On pourrait parler d'états latins unis (et encore !) en quelque sorte. Outre l'ost royale, chaque barronie avait son corps d'armée avec l'apport d'indigènes recrutés. Et puis surtout il y avait les deux corps d'élite de chevaliers, les Templiers et les Hospitaliers. 

Les Francs avaient beaucoup de mal à se maintenir en Syrie du Nord (Antioche, Edesse) harcelés périodiquement par Zenghi sultan d'Alep. Ses offensives à l'époque où nous nous situons exigèrent l'envoi de renforts importants venus du Sud dégarnissant d'autant les troupes du royaume de Jérusalem.

De son côté, Saladin, sultan d'Egypte, rêvait d'unifier la Syrie à l'Egypte en boutant à la mer les Francs de l'interland, autrement dit l'anéantissement des états latins.

Informé par des espions (dont on usait dans les deux camps) Saladin jugea sans doute le moment venu d'attaquer le Royaume de Jérusalem et de s'emparer de sa capitale profitant de la faiblesse de ses défenses. A la tête d'une armée de vingt cing à trente mille hommes et cavaliers, effectif considérable que nombre d'historiens prétendent avoir été exagéré, Saladin fit mouvement vers Gaza qu'il préféra éviter car gardé par les Templiers pour s'attaquer à Ashkelon peu défendu mais devancé nous l'avons vu par Baudouin le Lépreux prévenu à temps.  

Saladin jugea inutile d'en maintenir le siège et poursuivit sa route vers le Nord pour s'emparer et mettre le feu à Ramlah ville importante qui fut capitale située au croisement des routes entre Jérusalem et Jaffa et entre l'Egypte et Damas. Les Croisés s'en étaient emparée en 1099 et en avaient fait le siège d'une seigneurerie. 

Cela fait, Saladin avait la voie libre pour descendre vers Jérusalem. Du moins le pensait-il car entre temps comme nous l'avons vu Beaudouin avait suivi ses traces avant d'obliquer vers l'Est à hauteur de Tell el Guezer (Montgisard des Croisés) au sud de Ramlah, s'y poster et l'attendre pour l'attaquer et le surprendre totalement. 

Cuisante défaite du Sultan !

Dix ans plus tard il devait prendre sa revanche en battant complètement les Francs aux Cornes de Hattin près de Tibériade, faisant prisonnier le roi Guy de Lusignan, puis en s'emparant de Jérusalem le 11 octobre 1177. Et ce fut bientôt la perte successive des positions franques du littoral et de l'intérieur sonnant le glas du Royaume latin de Jérusalem après deux siècles d'existence.

                                    --°°°--

Comment expliquer la victoire des Croisés à Montgisard ?

Même si Guillaume de Tyr, historien "poulain" (i.e né en Palestine) du Royaume est suspecté d'avoir fortement exagéré l'effectif ennemi pour donner encore plus d'éclat à cette victoire (mettant les Francs à un contre cinq), même si Baudouin et ses barons lui réservèrent un effet de surprise total, on peut tout de même s'étonner de l'incapacité de Saladin à retourner la situation en sa faveur.  Son armée n'était certes pas de la mauviette, comportant beaucoup de cavaliers tourbillonnants, ayant des tactiques de guerre très efficaces et que les Croisés d'ailleurs avaient appris à connaitre.  Son peu de résistance à l'attaque surprise franque a donc de quoi étonner.

La grande croix d'or portée comme un étendard devant l'armée de Baudouin, chose que dût voir en premier celle de Saladin, fit sûrement son effet sur des hommes religieux et superstitieux même venant de chiens d'infidèles.  Scintillante au soleil, elle avait de quoi les frapper de stupeur comme l'annonce d'un mauvais présage.

C'est un premier point.

Selon des historiens, Saladin après avoir levé le siège d'Ashkelon et faisant fi (imprudemment) des forces de Baudouin crût bon de lâcher la bride à son armée en la laissant s'égailler quelque peu en chemin pour piller alentour et s'alourdir de butin.  Les forces ayant attaqué Ramlah n'auraient donc pas été au complet, ni celle par suite que devait attaquer Baudouin à Montgisard.

C'est un second point.

D'autre part aurait sévie dans une partie de l'armée de Saladin une épidémie genre gastro comme on dirait aujourd'hui qui l'aurait affaiblie et rendue vulnérable face à la fougue et la folle détermination des Francs et en particulier celles de Renaud de Chatillon, vraie force de la nature (au service du bien comme du mal d'ailleurs) ayant la réputation chez l'ennemi d'un vrai démon.  On dit que Saladin lui-même fut mis en mauvaise posture et même sur le point d'être tué, peut-être des propres mains de Renaud de Chatillon ce dont il devait se souvenir après la bataille de Hattin.  

Ces quelques éléments peuvent expliquer l'incroyable victoire des Francs à Montgisard. 

Et Saladin, beau joueur dirons-nous, salua à cette occasion la vaillance de ce jeune roi malade et celle de ses hommes. Dès lors il eut vis à vis de lui dans la trève comme dans la guerre le plus grand respect.

En reconnaissance, Beaudouin fit élever sur le site de la bataille un monastère dédié à Sainte Catherine d'Alexandrie.  

    

 

 

 

 

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