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divers sujets : personnels, histoire, littérature

Jehanne d'Arc selon Violaine Bérot

On ne sait rien pratiquement de la jeunesse de Jeanne d'Arc.

Sa date de naissance à Domrémy  déjà est incertaine : 1412.

Ses parents, des paysans pas trop pauvres, plutôt aisés.

Son père Jacques et sa mère née Rommée eurent cinq enfants.

Jeanne était l'aînée n'ayant qu'une sœur, Catherine. Dans le pays on l'appelait Jeannette.

A elle revenaient les tâches ménagères, la garde des bêtes, le filage de la laine, l'aide aux travaux des champs notamment les récoltes.

Par ailleurs on la disait pieuse.  La ferme des d'Arc se trouvait toute proche de l'église du village.

Sensible aussi à la misère du temps et en particulier celles de voisins moins pourvus avec lesquels elle s'entretenait.  

Et puis ... c'est tout.

Et c'est bien peu.

 

Mais, vers l'âge de treize ans, elle eût ses "voix".

On les a diversement interprétées et je ne m'y risquerai certes pas.

Mais elles témoignent, à tout le moins, d'une âme ardente.

C'est certain, mais avec déjà du caractère comme l'on dit. La suite ne peut s'expliquer autrement comme on est en droit de l'imaginer costaude, déjà aguerrie par les travaux des champs. Une gringalette n'aurait pu remplir pareille mission.

   

Le père de Jeanne aurait à plusieurs reprises représenté la communauté des villageois jouissant donc d'une certaine notoriété dans le pays, plus éclairé que les autres  sur la situation "politique" du pays qui n'avait rien de réjouissante en pleine Guerre de Cent ans. Jeanne plus proche de son père en tant qu'aînée devait suivre assidûment et enregistrer ce qu'elle lui en entendait dire avec sa mère et plus largement  autour d'elle dans le village.

Les moments où elle demeurait seule au pré avec ses bêtes, filant la laine, devaient favoriser ses réflexions sur tout cela, son recueillement et l'imploration du Ciel et des saints comme Catherine (prénom de sa sœur) et St Michel terrassant le Malin.

Prier certes mais en elle un grand désir d'agir.

 

Du fond de sa Lorraine en regardant couler la Meuse Jeanne songeait à la France (aux contours d'alors) qu'elle idéalise, dont l'héritier légitime, si jeune encore comme elle, est encore sans couronne, réfugié à Bourges où il tente d'organiser la résistance contre l'Anglais et les Bourguignons leurs alliés.  Ce petit Dauphin Charles qu'il faut aider à reprendre Orléans, passer la Loire et monter jusqu'à Paris et puis Reims pour son couronnement.  Il se trouve présentement à Chinon. Il faut qu'elle s'y rendre pour le rencontrer, se mettre à son service, ses "voix" le lui commandent de plus en plus pressantes. Agir, elle doit agir, oser, affronter tous les obstacles qu'elle entrevoit mais Dieu y pourvoira.  

 

Voilà ce qu'on pourrait en dire sensément sans pour autant trahir la "légende dorée". Celle-ci mêlée à la réalité fait et fera toujours que le personnage de Jeanne d'Arc restera entouré de mystère. 

 

                                                                                          -oOo-

 

Mais Violaine Bérot veut aller plus loin.

Elle nous présente Jehanne (Jehannette) comme un garçon manqué.

Petite elle l'était déjà aimant courir, sauter, pieds nus, faisant fi des sabots, battant tous les garçons à la course.  Ne s'en laissant pas compter par eux non plus. Méprisée par les fillettes de son âge qui la fuient et l'ont surnommée la "pas normale", elle vit de plus en plus seule parmi les garçons qu'elle a appris à bien connaître et à s'en faire respecter.  Compensant leur force apparente, elle s'estime plus forte intérieurement.  Ce sont des "lourdauds".  Mais elle, turbulente vu de l'extérieur vit aussi intensément de l'intérieur. Dans l'exaltation. 

Qu'en pensent ses parents et notamment son père ?

Violaine Bérot prétend qu'il la gourmandait souvent pour ses hardiesses. 

Des bandes armées au service des Bourguignons alliés des Anglais sillonnaient le pays. En 1428, Jeanne alors âgée de seize ans, ils vinrent mettre le feu à  Domrémy et les habitants durent se réfugier dans un village voisin. 

A leur retour la vie reprit au village malgré les dévastations de la soldatesque et la profanation de l'église.  Jeanne en fut encore plus révoltée et ses "voix" intérieures de se faire encore plus insistantes pour agir.

Cette fois il lui fallait oser.

 

                                                                            -oOo-

 

 

Le livre de Violaine Bérot s'ouvre par ce préambule que je cite intégralement :

 

"Il est devant moi

C'est Jean (*) qui me parle.

De la guerre il y a deux choses que l'on ne peut pas effacer de sa mémoire.

Je ne savais pas que c'était ça la guerre.

Jean une fois encore avait bien vu

Ils sont des centaines face à nous.

Tous les soirs après les longues journées de bataille

Je supporte chaque jour plus mal ce petit homme veule qu'est le roi de France.

Je n'ai vu que lui.

La cathédrale est bondée.

Je ne supporte plus le roi.

Au début je ne les avais pas remarquées.

Je n'ai plus de goût pour rien.

J'ai foncé droit devant.

Nous allions prendre Paris.

Ils vont bientôt partir.

J'ai réussi à me trouver seule face à lui.

J'ai tout au fond de la gorge un poids énorme qui m'oppresse.

Pour la première fois depuis six mois

Jean a réussi à regrouper quelques hommes.

Nous gagnons parfois, nous perdons souvent. 

Jean, je voudrais te dire adieu.

Tout a été très vite.

Prisonnière.

Cinq mois.

Ils m'ont laissée quelques jours me remettre de ma chute.

Je suis au bout de la route.

Ils m'ont mis des fers aux chevilles.

Inlassablement je répète les mêmes mots.

Des jours et des jours de procès.

Je n'ai plus aucune notion du temps

Les séances durent toujours plus longtemps.

Je suis face au tribunal.

Quand décideront-ils d'en finir ?

Il ne faut plus trembler.

Leurs yeux ahuris sont fixés sur moi.

Ils m'ont reconduite à ma cellule.

Je suis au bout de mon histoire."

(*) Il s'agit de Jean d'Orléans dit le Batard, futur comte Dunois, un des plus grands chefs de la Guerre de Cent Ans, compagnon de Jeanne d'Arc.

 

Jeanne dans sa prison à Rouen.

Elle vient d'être condamnée à être brûlée vive.

Vivante ont bien précisé ses juges car très souvent le bourreau intervenait au dernier moment en passant un lac autour du cou du condamné juste avant que les flammes ne l'atteignent. Une tolérance.

Mais aucune pitié pour cette pauvre fille, seule contre tous, le tribunal d’Église allié aux Anglais et leur haine pour la "sorcière".

Elle revoit sa vie passée, sa jeunesse à Domrémy et puis ces vingt sept derniers mois qui l'ont menée successivement à Vaucouleurs, à Chinon le 25 février 1429, à Orléans, à Patay, à Loches, à Reims pour le couronnement du Dauphin le 17 Juillet 1429, à Paris où elle est blessée d'un carreau d'arbalète, à Saint-Pierre-le-Moutier et la Charité sur Loire, à Jargeau, à Sully-sur-Loire et enfin Compiègne assiégée par les Bourguignons qui marquera pour elle la fin de son parcours.  Faite prisonnière, sa tentative d'évasion ayant échouée,  elle sera livrée aux Anglais et à l'évêque Cauchon leur allié.

Et la voici 27 mois après son départ, après cinq mois de procès.

Tous ses braves compagnons d'armes n'ont rien pu faire pour elle et Gilles, Gilles de Rais qui avait avec elle une relation bien particulière en est le plus désespéré.  Il sait que sans elle il retombera dans ses perversions, ses turpitudes dont sa présence l'avait éloigné.  Sa vénération pour elle était pure, comme celle d'un petit enfant pour sa mère. Jeanne le ressentait ainsi au soir des batailles, tous deux assis côte à côte au bivouac.  Lui si terrible de l'extérieur et aussi de réputation, elle avec sa coupe de cheveux au bol, frêle et vulnérable mais avec un courage de lion. Toujours en avant d'eux avec sa bannière et parfois l'épée brandie y allant de la voix au nom de Dieu, du Royaume de France, du roi Charles.

Chacun à ce moment pense à l'autre : elle du fond de son cachot, lui derrière les murs de Tiffauges, impuissant et désespéré, torturé par son souvenir et la perspective de son supplice. 

Avant de mourir du haut de son bûcher  Jeanne criera par trois fois le nom de Jésus.

Quelque temps plus tard, Gilles de Rais, justement condamné à être brûlé vif pour ses forfaits d'Ogre de Tiffauges, criera par trois fois avant de mourir le nom de Jeanne.

L'évocation de son âme pure à ce dernier moment lui vaudra son pardon et celui de Dieu.

 

                                                                          -oOo-

 

Faut-il pour autant toujours rester dans le sublime avec Jeanne ?

Question que pose Violaine Bérot qui s'en défend pour sa part. 

Une jeune femme hors du commun, illettrée, ne sachant que signer son nom, mais très intelligente, sachant causer quand il le fallait, affirmer ses opinions (ce que l'on refusait aux femmes à l'époque), audacieuse, courageuse mais sans pour autant être arrogante ou orgueilleuse.

On le lui reprocha mais son seul orgueil avait été de contribuer à rétablir le royaume de France  en faisant couronner le Dauphin.  Ses mérites elle ne les tenait pas d'elles mais de Dieu pour les strictes besoins de sa mission. 

Elle n'était pas inconsciente du danger mais pleinement confiante que seul Dieu pouvait décider de sa vie ou de sa mort. Dès lors rien ne pouvait l'arrêter. 

Elle dût être très déçu de l'attitude du Dauphin en effet.  Elle avait deviné sa faiblesse de caractère et comptait sur son sacre à Reims pour l'établir fermement sur le trône et le relancer dans la lutte contre les Anglais jusqu'à les chasser du Royaume (Bataille de Castillon en 1453 mettant un terme à la Guerre de Cent Ans).  Il le devait à Jeanne et pourtant il l'abandonna lâchement à son sort.  Ce n'est qu'en 1456 qu'il cautionna son  procès en réhabilitation, vingt deux ans après sa mort.

On ne peut que s'interroger aussi sur la cohabitation de Jeanne avec ses capitaines, elle sans expérience, eux vieux routiers. Ils connaissaient l'art de la guerre elle s'en remettait à eux pour les grandes décisions mais d'instinct savait quand il fallait user d'audace et c'est elle qui leur insufflait alors son souffle, son enthousiasme.  Tous étaient ralliés à sa bannière.

Comment ne pas imaginer non plus qu'elle connut des moments de fatigue, peut-être même de découragement, de doute.  Héroïne, sainte oui mais elle n'en était pas moins un être humain, une grande âme certes mais qui avait un corps, un corps de femme, lui rappelant qu'elle n'était pas pur esprit.

Pourquoi à ces moments n'aurait-elle pas cédé, s'être laissé aller en s'appuyant sur l'énorme épaule de Gilles,  y penchant sa tête lasse et lui, retenant son souffle, entourant la sienne de son bras, sa grosse patte l'effleurant à peine comme craignant qu'il ne la brise comme un cristal ?

L'histoire de Jeanne n'en apparaîtrait que plus belle, sans rien enlever à son héroïsme, sa sainteté, mais femme après tout avec ses faiblesses, ses envies. 

Mais il faut bien dire qu'on se perd toujours quand on évoque sa personnalité, peut-on se risquer jusqu'à dire androgyne ? 

Ce qui aurait particulièrement séduit Gilles de Rais. 

Il n'en demeure pas moins qu'elle est et restera l'héroïne inviolable et inviolée de notre Histoire de France.

Jehanne, une réalité et aussi un mythe.

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

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