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divers sujets : personnels, histoire, littérature

TEL version arabe

S'agissant de T.E. Lawrence, on a tendance disons-le et en Occident du moins, à être laudatif et sans doute à l'excès, les travers mêmes de sa personnalité n'enlevant rien à notre estime car aucune n'en est exempte.  

Pour autant, l'action de Lawrence dans la guerre du désert et telle qu'il l'a décrite dans ses "Sept Piliers", telle que l'a reprise le film-culte de David Lean, a connu la critique et de la part de ses propres concitoyens. Après sa mort mais encore récemment. 

 

Ne parlons pas de cette "descente en flamme" qu'en fit Richard Aldington  dans son "Lawrence l'imposteur" où se ressent par trop son antipathie pour le personnage et n'en fait pas une référence vraiment impartiale. 

On retiendra plutôt le témoignage de contemporains l'ayant connu, par exemple cette "Vie du Colonel Lawrence" du capitaine et historien militaire Basil Liddel-Hart qui fut son ami mais qui n'en reste pas moins critique. 

Selon Sam Wilkins dans "Seven Pilars revisited : the myths and misreadings of T.E. Lawrence", il convient de faire la part des choses sur le mythe (voire les mythes) Lawrence et sur une mauvaise interprétation à la lecture de passages qu'il a écrits. En anglais le terme "misreadings" (lectures erronées) qu'emploie l'auteur rappelle celui de "misleading" (qui égare). Car la prose de Lawrence est savante et il s'exprime très souvent de façon elliptique pouvant en effet prêter à confusion.

Un autre auteur critique de Lawrence, Dr Robert Johnson, dans "Lawrence of Arabia on war : the campaign in the desert 1916-1918" paru en 2020 a écrit ceci : " Pour autant que Lawrence ait fait l'objet de maintes biographies et d'un film primé aux Awards, le contexte de sa guerre dans le désert et ce qu'il pensait de cette guerre reste largement méconnu."

Si la confrontation d'archives avec les dires de Lawrence dans son livre ont fait apparaître ici et là des incohérences, des exagérations, voire des inventions, il n'en demeure pas moins que "les sept piliers" restent un récit magistral et vécu de la Guerre Orientale.

 

Il s'agissait donc de remettre les choses dans leur contexte là et quand où il le fallait.

 

Si  l'Occident s'est passionné et a largement débattu sur le "cas Lawrence", et encore aujourd'hui, du côté arabe que pensait-on de lui alors que les Arabes étaient précisément au cœur du sujet ? 

Il semble que l'on s'en soit peu soucié finalement, du moins jusqu'en 1966 où parut l'ouvrage du Jordanien Souleiman MOUSSA, descendant des Hachémites, historien de la 1ère guerre mondiale en Orient, intitulé  "Songe et mensonge de Lawrence" préfacé dans sa version française (1973) par l'orientaliste François Mansour-Monteil (1913-2005).

Il convient de s'y attarder ici.

Pour l'essentiel c'est une remise en question sérieuse et documentée sur le véritable rôle que joua Lawrence dans la guerre du Hedjaz. 

On lui aurait donné en Occident une importance nettement exagérée.

Mais il est un fait que nul ne peut nier à son propos (et à commencer par notre auteur) c'est qu'il chercha passionément à ce que la révolte arabe soit partenaire aux côtés des britanniques dans la campagne de Palestine puis de Syrie contre les Turcs.  Le rôle que mena cette révolte sur le flanc droit d'Allenby (rôle de diversion et d'accaparement de forces ottomanes sur la ligne de chemin de fer) et qu'ainsi elle protégeait contribua puissamment à la victoire et devait lui conférer le statut de belligérant, ce qui fut reconnu d'ailleurs par ce message du Foreign Office remis par Allenby à Fayçal lors de l'entrée à Damas des troupes britanniques, trois jours après l'arrivée de Fayçal et Lawrence, et que ce dernier traduisit.  

Ainsi Lawrence et Fayçal pensaient-ils obtenir leur part de la victoire, pas celle dont tous deux rêvaient certes (revendication arabe de la Grande Syrie), mais  une juste part.  

Et pour cela Lawrence y mit de lui-même, bien plus qu'aucun autre Anglais n'aurait pu le faire.

Souleiman Moussa lui rend hommage pour son courage certain au mépris de sa vie, son endurance physique à l'égal des bédouins, sa résistance morale aussi.

En revanche, il minimise grandement son rôle de leader qu'on lui a prêté dans cette guerre du désert.  Il n'aurait été somme toute qu'un agent de liaison et conseiller militaire britannique certes exceptionnel auprès de l'émir Fayçal mais c'est à ce dernier que serait revenu l'initiative y compris celle d'Akaba.  Il reconnaît son action efficace auprès des autorités britanniques pour obtenir d'elles armements, argent, et toute l'aide qu'il était possible.  Lui-même l'ayant laissé entendre dans son livre, Lawrence en aurait fait une "affaire personnelle" en fait, cherchant à se distinguer des autres dans son rôle somme toute secondaire. Se faire sa propre renommée en quelque sorte.  C'est là un trait de personnalité qui peut choquer en effet chez quelqu'un d'aussi doué que lui par ailleurs. Zones d'ombre d'un personnage énigmatique mais tous ceux que l'Histoire a placé sur la sellette ont eu les leurs.

Et finalement, pour citer l'Impératrice Eugénie (épouse de Napoléon III) :

A quoi bon l'Histoire ? La Légende est indestructible 

Et là encore.

 

 

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