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Miscellaneous ...

divers sujets : personnels, histoire, littérature

Durance ...

Si son titre rappelle celui d'une œuvre de Giono, plus exactement d'un recueil de nouvelles, le synopsis du film de François Villiers "l'eau vive" sorti en 1958 n'a que peu de rapport avec la première de ces nouvelles intitulée précisément "l'eau vive".

C'est  le réalisateur qui avait confié à Giono l'écriture et les dialogues de son film sachant que le sujet lui tenait particulièrement à cœur puisqu'il évoque la construction par EDF du barrage de Serres-Ponçon qui allait noyer  toute une vallée et deux villages. Bouleverser toute la géographie et le cadre de ce coin de Provence.

Giono était opposé à ce projet gigantesque.

Peut-être (sans doute ?) aurait-il milité contre avec les expropriés si tant est que ceux ci se soient soulevés, mais "on" fit bien les choses pour que ça se passe au mieux en les indemnisant à la fois de la valeur de leur bien et du préjudice subi ce qui était nouveau en matière d'expropriation. 

L'héroïne du film (interprétée par Pascale Audret, sœur du chanteur Hugues Auffray, s'appelle Hortense, prénom que l'on rencontre souvent chez Giono.  C'est elle seule qui se rebelle contre ce barrage et méprise le pactole qui lui en revient alors que, unique héritière, toute sa famille guigne dessus. La chanson de Guy Béart a prolongé la mémoire de ce film que j'avais vu à l'époque et qui m'avait plu, séduit aussi par la personnalité de la jeune actrice de vingt sept ans. Elle mourut tragiquement dans un accident de voiture âgée de soixante cinq ans.

Audret était son nom d'artiste mais elle était née (en 1935) Auffrey et avait pour frères aînés Jean-Paul Auffray physicien et historien des sciences et Hugues Auffray le chanteur bien connu et apprécié âgé aujourd'hui de 93 ans et toujours bon pied bon œil sur les planches.  Elle fut mariée un temps à Roger COGGIO né en 1934 aujourd'hui décédé, comédien et adaptateur au théâtre ayant fait partie de la troupe du TNP de Jean VILAR. Il se trouve que je l'ai connu pour l'avoir vu jouer fin 1962 dans un petit théâtre parisien, acteur unique, dans le "Journal d'un fou" de Nicolas GOGOL.  Une performance d'acteur qui m'avait frappé.  Plus tard la pièce fut adaptée au cinéma.   

 

Mais, pour en revenir à GIONO et à sa nouvelle intitulée "l'eau vive" (et plus précisément : complément à l'eau vive) il y a un poème de lui que chante le flotteur de bois, un des anciens métiers de la Durance.  Il est évocateur bien qu'écrit vingt cinq ans plus tôt. 

La Durance, 323kms, deuxième affluent du Rhône après la Saône, prend sa source à 2390 mètres d'altitude sur les pentes du Sommet des Anges culminant à 2465 mètres. Celui-ci se situe à la jonction de trois communes des Hautes Alpes : Montgenèvre, Cervières et Val-des-Prés et fait partie du massif du Queyras.  A son sommet un fort a été bâti au XIXème siècle pour défendre les hauteurs de Briançon.

La Durance était "navigué" depuis le Moyen Age et notamment pour le flottage des bois coupés dans les Alpes.

 

Giono ne pouvait imaginer que ce fleuve (son fleuve) qu'il met en scène dans nombre de ses œuvres sans le nommer allait être ainsi "châtré" avec ce barrage édifié à 75 kilomètres de sa source à hauteur d'Embrun.  Si redoutable autant par ses crues que par ses étiages, son cours en allait être régulé, de même que le fut à peu près à la même époque celui du Verdon avec le lac Sainte-Croix. 

Ce poème de Giono qu'on peut appeler aussi "chant de métier" (c'est d'ailleurs ainsi qu'il le concevait) évoque la lutte inégale entre la Durance et l'homme, petit homme semblable à une fourmi sur son train de flottage et devant composer avec tous ses caprices sous peine de mort.  Parlant de lui (la Durance),  GIONO écrit : "Il faut vous dire que la Durance est un fleuve de montagne, vagabond, pillard, coléreux, et qui a un lit de cailloux de plus de deux kilomètres de large. Au milieu se tord le gras de l'eau.

Écoutons maintenant le flotteur de bois.

 

Durance, qu'est-ce que je suis, moi?

Deux pauvres bras, deux jambes de fil,

Un cœur pareil au foin des champs

Sensible au vent et plein de mauvaises choses.

 

Durance, qu'est-ce que je suis, moi ?

Avec ces épaules comme une petite branche de chêne,

Et ces os faits de lait de femme

Que d'un revers de poignet tu casserais comme du verre !

 

Durance, j'ai juste mes yeux,

Juste mes oreilles pour entendre

Et juste ma bouche pour te parler,

En toute bonne amitié.

 

Toi, quand on regarde la terre de bien haut, on te voit.

Moi, je suis caché sous l'herbe,

Je compte dessus le monde

Bien moins qu'un pou sur un mouton.

 

Moi, à la montagne, je dis "Bonjour Madame"

Et je tire mon chapeau.

Toi, tu lui dis "oh colline !"

Et tu l'appelles par son petit nom.

 

Moi, pour un petit ruisseau d'un mètre

Je dis "Pardon" et je fais le tour.

Toi, tu passes avec ton grand pas

Et les ruisseaux tu les emportes.

 

Toi, si tu veux, toute cette plaine

Avec ces fermes et ces berceaux

Tu la couvres et tu l'aplanis

Et tu en fais ton domaine.

 

Moi, j'ai une petite maison,

Une chandelle, trois saucisses,

Un lit de fer qui crie tout seul

Et une paire de sabots.

Alors tu vois, si on se battait,

Çà ne serait pas la lutte à main plate.

Si tu veux, moi, je me couche

Et je dis que tu as gagné.

 

Qu'est-ce que ça changera au monde ?

Rien.  Le soleil fera son tour,

La terre marchera quand même.

Ceux qui ont compté les étoiles trouveront toujours le même nombre.

 

Mais si je vais jusqu'à Cavaillon

Avec mon chargement de bois,

Je toucherai un bon écu

Par cent kilos bien arrivés.

 

 

 

 

 

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